Harmensz van Rijn Rembrandt (Leyde, 1606 - Amsterdam, 1669) Tout chez Rembrandt est un myst?re complet, son esprit, son caract?re, sa vie, son ?uvre et sa m?thode de peinture. Mais ce que nous pouvons deviner de sa nature profonde ? travers sa peinture et les incidents triviaux ou tragiques de sa vie malheureuse (son penchant pour le faste le poussa ? la faillite), dont les infortunes ne s'expliquent pas compl?tement, r?v?le une effervescence de ses id?es et de ses sentiments, des impulsions contradictoires ?mergeant des profondeurs de son ?tre comme la lumi?re et l'ombre de ses toiles. Malgr? cela, rien dans l'histoire de l'art ne nous donne une plus profonde impression d'unit? que ses peintures, bien que compos?es d'?l?ments tr?s h?t?roclites aux significations les plus complexes. On a le sentiment que son esprit, g?nial, brillant et libre, audacieux et ignorant toute servitude, qui le mena aux plus nobles consid?rations et aux plus sublimes r?veries, jaillissait de la m?me source que ses ?motions. C'est de l? que provient cette composante tragique qu'il imprima ? tout ce qu'il peignait, quel que f?t le sujet. Son ?uvre ?tait donc in?gale, car le sublime, qui ?tait le propre d'un homme tel que lui, n'est pas une chose quotidienne. C'est comme si cette personnalit? singuli?re, ?trange, attirante et presque ?nigmatique ? la fois avait ?t? lente ? se d?velopper, ou du moins ? conna?tre sa pleine dimension. Que Rembrandt ait poss?d? un talent pr?coce et une vision originale du monde, ses dessins de jeunesse et ses premiers autoportraits des ann?es 1630 le prouvent assez. En peinture, cependant, il ne trouva pas imm?diatement la m?thode pour exprimer les choses encore incompr?hensibles qu'il avait ? dire, la technique audacieuse, globale et personnelle que nous admirons dans ses chefs-d'?uvre de la maturit? et de la vieillesse, mais qui, en d?pit de sa subtilit?, fut jug?e brutale et contribua certainement ? l'?loigner de son public. Il adopta d'abord un style sophistiqu? tr?s similaire ? la mani?re des "Petits Ma?tres " de son pays. Toutefois, ? ses d?buts et au temps de ses premiers succ?s, l'?clairage joua un r?le majeur dans sa conception de la peinture et il en fit le principal instrument d'investigation des arcanes de sa vie int?rieure. Il lui r?v?la la po?sie de la physionomie humaine lorsqu'il peignit le Philosophe en m?ditation, ou La Sainte Famille, si d?licieusement absorb?e dans sa modeste intimit?, ou l'ange Rapha?l quittant Tobias. Mais bient?t il exigea plus, et La Ronde de nuit marqua imm?diatement l'apoth?ose de sa r?putation. Peu ? peu, il ?volua en s'?loignant du naturalisme des premi?res heures et des clairs-obscurs abrupts, arrondissant les angles et se tournant vers un monde plus color?. Il songea aux grands v?nitiens et emprunta leurs sujets pour produire une forme d'art n? d'une vie int?rieure et d'une ?motion profonde. Les sujets mythologiques et religieux ?taient trait?s comme ses portraits. Car tout ce qu'il puisait dans la r?alit? et m?me dans les ?uvres des autres, il le transmutait imm?diatement en sa propre substance.